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JERRY cOlomBiN
6 mai 2011

Grand soleil matinal par -66°c. Le désert. Tout

Grand soleil matinal par -66°c.

 Le désert. Tout autour a disparu...La ville, les gens, le bruit et les lumières. Le soleil est éblouissant mais froid et ne se cache plus jamais. Il mord maintenant à la manière dont mord le gel.

Ne reste que ma baraque, vide. Même si les marchandises ne manquent pas. Surtout ces foutus tapis à chiottes, les éponges-à-pisse, qui ont quand même eu leurs heures de gloire. Nan, la baraque est pleine, mais vide de sens. À l’extérieur y’a plus rien, ni personne, et toutes les marchandises, et tous les tapis a chiotte du monde ne sauraient redonner un sens à la présence de ma tôle sous ce soleil glacé...

La matinée avait commencée par un traditionnel passage aux latrines pour déposer ma petite offrande aux dieux du commerce. C’est peu après que j’m’suis aperçu comme la lumière des néons était cradasse. Non plus blanche mais jaunâtre…F’sait pt ‘être un moment…Sais plus.

 Y doit pu être si tôt qu’sa mais tout semble encore tout mou et endormi…chier…La radio crache encore. SA va, en sourdine. J’ai dû m’assoupir un moment. Le fond d’l’air est LOURD,l’atmosphére,l’ambiance,les diverses molécules en suspension quoi, suintent de graisse, et c’est comme s’il pleuvait des solos d’guitares puants l’suicide(genre un morceau de s’bon vieux Santana sur chérie FM).Sa plus les souvenirs du bruit des camions et des passants comme celui d’un membre amputé.

Tout est différent. Ou peut-être que sa avait toujours ressemblé à ça, avec les murs gerbant de peinture caillée et tout et tout, et que dans ma folle jeunesse je l’avais perçu de manière totalement erronée, fantasmé sous les assauts de multiples excitations à peine pubères ? Alors je reste juste installé derrière mon comptoir, perplexe. Mon horloge a littéralement explosée, pas assez élastiquée pour tenir le coup face au changement de valeur perpétuel des unités de temps, pour ralentir accélérer se relâcher presque s’arrêter et repartir en trombe, pas faite pour les arythmies. Reste pu qu’le cadran, heureusement en mousse.

Tourne le bouton du poste et cale sur une autre fréquence, toujours la même purée mémé, mais le son ça t’remplit l’espace et donne au moins l’impression d’un peu de mouvement !

J’rajuste mon chapeau et m’cale au fond d’ma chaise...incarnation de seigneur Blazitude et dame Résignation…

J’ai quand même pas rêvé…Bon, c’est p’t’être une sorte de nostalgie mal placée, mais quand j’me suis posé ici, y avait la ville, la grosse, et les lumiéres qui vont bien avec…Des mois de nuit noire avec des néons tous les trois mètres, et sur trois étages minimum ! fallait voir ça, et des minettes en futals de skaï moulants genre prêts à déborder, fallait voir ça, ça vivait tout seul, les couleurs, les odeurs de frites et d’kebab, et des bruits dans tous les sens, comme si c’t’immense chaton mécanique s’arrêtait jamais de ronronner. Et sa c’est effondré comme brocolis part en purée…Brique après brique, tout s’est comme carapaté ; néons, pantalons serrés, fesses bien balancées, nibards prêts à sauter dehors de leurs décolletés, musique, acrobaties rythmiques, envolées planantes et klaxons, tout.SA a laissé la place à une platitude cosmique sidéro-réfrigérante, et j’ai rien vu v’nir.

Un coup, j’suis sorti  d’vant la boutique pour boire ma p’tite dose de café tequila matinale, et taper la causette avec mon p’tit paki d’à côté, à la fraiche et là, pu d’boutique à Carlo, pu d’Carlo, fini aussi son enseigne au néon flamboyante neuve d’un jaune synthétique qui hurlait »CARLOS ?CAFE,THE,CIGARETTES Y SPIRITYEUX ».Un soleil, comme j’vous dit, comme j’en avais pas vu la couleur d’puis des mois c’était accouplé avec un froid à congeler un esquimau.

Quelques tas d’briques et des bouts d’murs encore debout par ci par là, bien solitaires, et pu un chien.. Et ch’uis rentré. Sans café, sans tequila ni cigarette, sans avoir aperçu un seul bout d’femelle. Et j’me suis assis. Et l’temps a filé, puis ralenti, et toujours aucune explication qui pointait sous mon chapeau ; à croire que mes capacités d’réflexion se sont barrées avec le reste…Après, et j’sais pas combien d’temps sa a pu durer, les toiles ,puis les araignées qui vont avec, puis les mouches qui leur servent de gueuleton, et la poussière et toutes les déjections qui vont avec se sont installées sans s’bousculer, et à part rester assis dans une absence totale de réaction, complétement con….Ben, à part ça, j’voyais pas. Vraiment, à croire qu’mon cerveau avait gelé/cramé en même temps qu’le reste.. J’ai lu des trucs sur des mecs perchés à la morphine, et derrière mon comptoir, sa d’vait bien être à sa que j’ressemblais.

 

Y’a un ectoplasme qui parfois vient et neutralise mes flux vitaux. Je l’sens dans l’coin d’mon champ d’vision plus que je n’le vois. Y rode autour de moi en trainant son énorme boulet de tristesse amorphe, attendant que j’rende l’âme, ou alors, pt ’être bien qu’il accélère carrément l’processus en m’aspirant hors de mon corps, en m’tournant autour à sa manière de bouffeur de charogne, la détermination en moins. Il attend sagement mon cadavre sur un plateau l’enfoiré. Après avoir complétement vidé mon corps de toute substance l’impatient pourra se repaitre tranquille de mon cadavre.

J’ai bien essayé d’lui d’mander s’qu’y voulait mais bon, soit il m’entend pas, soit il sait qu’sa réponse me f’rait détaler à toute blinde… Mon petit ectoplasme, qui m’rentre dans le cerveau par l’coin de l’œil et fini par grignoter tout c’qui peut ressembler à une émotion. Il rogne le moindre reste d’énergie, si bien que par moments, y m’reste plus qu’ma carcasse, animable mais vide.

   j’ai déjà survécu à 21 fins du monde , dont une qui n’était même pas programmée. Oh, c’est pas ça, ça vous met toujours un peu d’action une bonne fin du monde et pis si vous aimez les spectacles sons et lumières, à côté d’ça, la hollywoodienne, c’est d’la piquette. c’est s’qu’y s’fait d’mieux, y’a pas à chier.. Mais c’est comme tout, au bout d’un moment on se lasse un peu.                    Bon, d’un autre côté, on peut dire qu’au moins, entre deux, on n’est pas enmerdé avec les touristes. J’préfère encore quand c’est l’désert. Quand y’a pas tous ces fantômes de vieilles bigotes qui trépignent dans mon magasin, qui envahissent mon désormais unique champ de vision. Pas de fuite pour moi. Avec leur air de tas d’rides et d’bourrelets vicelardes et honteuses, leur manière de bouger est répugnante ; faut les voir ; quand c’est pas filet d’bave aux lèvres c’est arthrite sonore, gémissante et raclante. Mimiques de jeunes biches perdues…Sauf que les jeunes et jolies biches se sont d’puis longtemps transformés en fantômes de vieilles femmes  déformées, tartinées de maquillage glycéro et limite rampantes…Et leur manière d’toujours chuchoter comme si elles s’étaient pas rendu compte qu’elles étaient pu à l’église depuis belle lurette. Elles ont tellement fréquenté ce genre d’endroits de mort de leur vivant que leurs corps tout entiers en ont été pliés et reconditionnés et qu’maintenant qu’elles sont mortes, elles peuvent même plus se conduire autrement. Ces gens sont dégoutantes, pire à dire, y m’répugnent ;alors j’baisse mon capiot d’un cran et je m’recale tout d’suite après le bonjour sauvage balancé à l’arrache, la « politesse » un bonjour qui n’attend pas de réponse. En priant leur dieu, pour le fun, et pour  que nos échanges puisse s’en tenir là .C’est mieux comme sa ouép, le désert,mon shop,moi et ma radio

 

Et ces spectres qui croient avoir d’la personnalité…y Croient surement qu’il suffit d’être un peu flottant pour avoir la classe …Et forcément, y’en a toujours un ou deux pour pousser la porte…

L’entrée, La porte

     Tiens, une apparition. Un type qui saque sur la porte. Quand on pousse pour entrer, on sent le bois cinquantenaire, repeint façon multicouche vibrer et le simple vitrage branler. Le bois a gonflé et coince dans l’encadrure, le panneau « POUSSEZ » doit avoir été mis là comme une sorte d’encouragement à insister un peu, à pas faire demi-tour tout de suite. J’vais avoir un peu d’compagnie si y lâche pas l’affaire trop vite.

« POUSSE Mémé ! C’EST OUVERT ! »

 

Rentre un mec chauve, tout lisse et imberbe, blanche comme un cul, typé lascar, surplombé de sa Casquette vissée bien haut_inévitable couvre-chef de la rue, survet’ clinquant, aussi clinquant que les baskets dévoilants de mignonnes chaussettes mycosées, la démarche pleine de fausse assurance et de poses empruntées à mam’ TV. L’vieux observe de son con d’l’œil pas encore squatté, un demi r’gard sous sourcils en pagaille.

…Surement à la recherche d’sa recharge de liquide pour une longue traversée. Bingo, s’gars-là marche à la bière, et SA sa paye. Pu qu’à espérer qu’il ait une caisse, histoire qu’il lésine pas sur la quantité…

Le nœud à la queue, c’est que, quand même, on peut pas faire comme si l’plus proche ravitaillement était pas à 3 jours de bagnole, et, puisqu’on veut tellement continuer à être cohérent, on peut pas non plus ignorer la spécialité météo locale qui a au moins dû faire la renommée d’la région d’puis l’temps…Fin, sa s’rait la moindre des choses. Nan, moi, ça m’sidère qu’y ai encore des gens pour s’pointer comme si de rien n’était. Comment y font encore pour arriver jusqu’ici ? Et r’garde le lui, qui débarque comme ça comme une fleur de frangipanier par belle journée d’printemps , pour prendre de quoi s’rafraichir et continuer sa route, comme si y s’passait rien d’bizarre…Bon, allez, craches tes thunes qu’on en parle plus.

« deux caisses héhé.. Eh!! T’en prend pas une troisième pour la route ?! c’est qui fait un temps à s’momifier dehors !! »

« Une voix belle. Elle était à l’oreille ce que la soie sauvage est à l’œil »perso, j’ai jamais aimé la soie, même sauvage. J’viens d’tomber bêtement sur cette formulation jolie comme une jeune vierge topless, mais c’est moi qu’écrit, et, sérieux, s’il fallait comparer la voix du vieux à quequ’chose, sa serait plutôt à une croute d’Eugene Leroy.

«Nan, et allez, rend moi ma monnaie vieux vandale. Tu m’aides à les amener pépé? » ben tiens… «Tu m’as r’gardé, t’a vu mon Age ?j’pourrais être ton arrière-arrière-grand-père. Si j’m’lève de s’fauteuil j’me r’trouve par terre direct ! Allez, prend ta came et dégage !

Deux caisses…minable pêche… C’est pas avec ça que j’boufferais du caviar…

A c’qu’on dit, parfois, le simple tintement de pièces de monnaie, le simple son du défroissage d’un billet de banque peut suffire à faire replonger un ancien accro au blé, et ce, même après des années de sobriété…

 

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http://blogs.lesinrocks.com/lelacdefeu/
JERRY cOlomBiN
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